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gaborit.avocat.victime.over-blog.com

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Blog de Maître François GABORIT, Avocat spécialiste en réparation du dommage corporel (accidents de la circulation, accidents du travail, accidents de la vie privée, erreurs médicales, infections nosocomiales, aléas thérapeutiques, etc.) et droit des victimes (POITIERS, PARIS, NIORT, www.dgt-avocats.fr).


FAUT-IL SUPPRIMER LES MAGISTRATS ?

Publié par François GABORIT sur 16 Juillet 2018, 15:47pm

Catégories : #avocat, #droit, #justice

FAUT-IL SUPPRIMER LES MAGISTRATS ?

La justice ne peut souffrir d’approximations et, par définition, on attend du juge qu’il ne rende que de bonnes et justes décisions car il est formé et payé pour cela.

Or, quelques décisions de diverses juridictions m’ont sérieusement chauffé les oreilles et m’ont amené à me questionner tant sur mes qualités que sur ceux qui doivent les juger.

Toutefois, me direz-vous, un avocat ne peut pas gagner tous ses procès.

Notre carrière est ponctuée de décisions très bonnes, d’autres parfois décevantes, etc.

En outre, critiquer celui qui rend la décision est toujours facile.

D’ailleurs, ne dit-on pas que lorsque l’on gagne un procès c’est toujours grâce à nous tandis que quand on le perd c’est à cause du juge…

Mais, une fois l’arrogance et la fausse-modestie écartées, on peut se questionner sur la qualité des décisions rendues.

Absence de motivation (et donc cassation), erreur de droit (et donc cassation), erreur de fait (et donc réformation), etc.  me rendent fou.

Autant vous le dire, je n’aime pas perdre mais j’accepte bien volontiers ma défaite lorsque qu’une décision est bien rédigée et argumentée.

Mais j’ai la désagréable impression que cela se fait de plus en plus rare et que les décisions comportent de moins en moins de droit et de plus en plus de morale.

Il n’y a pas si longtemps, un juge a motivé sa décision sur le montant des dommages et intérêts en indiquant que la somme proposée par l’adversaire assurait l’effectivité et l’harmonisation de l’indemnisation sur le territoire français.

La belle affaire pour mon client de savoir qu’il est un rouage de cette harmonisation dont il n’a que faire !

Mais d’où un juge a-t-il un rôle d’harmonisation de l’indemnisation sur le territoire ?

Cela relève du politique et absolument pas de la juridiction qui doit indemniser le préjudice en fonction des éléments qui lui sont soumis c’est-à-dire in concreto.

Je vous passe par ailleurs les erreurs de droit qui conduisent illico à la réformation ou à la cassation.

Je suis trop sévère probablement.

Je l’admets d’autant plus facilement que je serais incapable de faire le travail de nos magistrats.

Ainsi, il y a quelques temps, j’attendais patiemment mon tour pour plaider un dossier (assez technique) de responsabilité médicale.

Le juge siégeait seul (cela est parfois possible tant au civil qu’au pénal).

Or, le premier dossier concernait une liquidation de régime matrimonial.  Le juge a ensuite enchainé sur un dossier de bail commercial pour continuer avec du droit de la construction.

Sans désemparer, le magistrat s’est ensuite coltiné du droit bancaire,  un amusant dossier de voisinage et, cerise sur le gâteau, un problème de droit fiscal (ou un truc équivalent car je n’ai rien compris).

Un véritable inventaire à la Prévert !

Comment un homme ou une femme peut-il embrasser toutes ces catégories du droit ?

Pour ma part, j’ai choisi de me spécialiser car j’ai conscience qu’il est impossible de tout savoir et que vouloir tout faire, c’est prendre le risque de mal faire…

Tous les domaines cités sont des spécialisations à part entière chez nous autres avocats.

Pour ma part, je ne fais que du préjudice corporel.

D’autres ne font que du droit de la construction, du droit immobilier, du droit bancaire, du droit commercial, du droit pénal, du droit fiscal, etc.

Or, pour les avocats, il est impossible de spécialiser avant 4 années d’exercice minimum et les conditions sont (désormais) strictes.

Le problème se situe donc à ce niveau-là.

Les juges ne sont pas moins bons que nous mais ils deviennent désormais moins spécialisés de sorte qu’ils commettent des erreurs parfois grossières (pour nous spécialistes) mais ma foi excusables pour quelqu’un qui ne pratique pas la matière au quotidien.

Finalement, et c’est dans l’air du temps, les magistrats sont condamnés à la spécialisation.

Certes, il existe des réticences car l’ultra-spécialisation a ses limites.

Certains diront qu’il est bon qu’un magistrat puisse prendre du recul. De même, s’enfermer dans un contentieux, c’est le risque de se robotiser…

Mais les enjeux sont désormais tels que les avocats ne peuvent plus prendre le « risque » qu’une mauvaise décision soit rendue.

D’où deux conséquences.

La première (déjà ancienne) est que certains avocats vont rechercher la compétence des « grandes »  juridictions car la probabilité d’y retrouver un magistrat spécialisé est supérieure.

La seconde est d’échapper tout simplement à la justice étatique pour la confier à des arbitres privés ultra spécialisés en la matière.

Pour l’instant, cette option est utilisée essentiellement en droit des affaires ou les enjeux financiers sont si importants et les problématiques si complexes que les grands groupes ne veulent pas prendre le risque de soumettre leur litige à des juges non spécialisés.

Mais si personne n’y prend garde, cette option pourrait se développer et ce au détriment du justiciable lambda.

En effet, la justice arbitrale n’est pas gratuite et offre des protections moindres en termes d’indépendance notamment.

Ainsi, si on ne veut pas créer une justice à 2 vitesses, on ne pourra faire l’économie d’une réflexion (déjà entamée) sur la spécialisation des magistrats.

A défaut, je crains fort qu’on ne doive finalement se passer de nos magistrats ce qui serait d’autant plus dommageable qu’encore une fois, ils offrent la garantie d’une justice indépendante (en principe), impartiale et peu couteuse.

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