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Blog de Maître François GABORIT, Avocat spécialiste en réparation du dommage corporel (accidents de la circulation, accidents du travail, accidents de la vie privée, erreurs médicales, infections nosocomiales, aléas thérapeutiques, etc.) et droit des victimes (POITIERS, PARIS, NIORT, www.dgt-avocats.fr).


La sanction de l’assureur « radin » : le doublement des intérêts au taux légal

Publié par François GABORIT sur 11 Mars 2019, 10:14am

Catégories : #indemnisation, #victime, #assurance, #accident, #accident de la circulation

La sanction de l’assureur « radin » : le doublement des intérêts au taux légal

En matière d’accident de la circulation (et seulement en cette matière), l’assureur responsable a l’obligation d’indemniser la victime.

Le législateur, par la loi Badinter (du nom du célèbre Garde des Sceaux) a donc institué un mécanisme précis et rigoureux qui oblige l’assureur a formuler une offre d’indemnisation à la victime.

Cette offre doit comprendre tous les postes de préjudices et doit être adressé « rapidement ».

A défaut, la sanction tombe : le doublement des intérêts au taux légal.

Les victimes l’oublient souvent mais si un assureur omet de faire une offre, alors l’indemnité qu’elles percevront portera intérêt au double du taux légal et ce entre le moment ou l’assureur aurait dû faire l’offre et jusqu’à ce que ladite offre leur parvienne (ou à défaut qu’un jugement soir rendu).

Il y a quelques années, la sanction n’était pas très dissuasive car, par exemple, en 2013 et 2014, le taux était de 0,04%. Les assureurs qui ne formulaient pas d’offre ne couraient donc aucun risque car le doublement de l’intérêt, mêmes sur des sommes importantes, ne changeait pas grand-chose pour eux (et surtout pour leurs finances).

Il en va autrement depuis 2015 car depuis une réforme, le taux d’intérêt légal pour les particuliers (et donc les victimes) se situe aux alentours de 4% de sorte qu’en cas de doublement, le taux est de 8%.

Vous imaginez donc aisément les conséquences notamment pour les indemnisations importantes.

Ainsi, imaginons qu’un assureur ait dû faire une offre le 11 mars 2014.  Finalement rien n’a été fait et le Tribunal a alloué le 11 mars 2019 une indemnisation de 300.000 €. Si le juge ordonne le doublement des intérêts légaux, cela représentera tout de même la somme de      102.183,94 € !

Compte tenu des conséquences, certains assureurs se sont crus plus malins que d’autres et ont formulé des offres pour respecter la loi mais des offres tout à fait ridicules.

La Cour de cassation ne s’est pas laissée abusée. En effet, elle a jugé qu’une offre « manifestement dérisoire » s’assimilait à une absence d’offre.

En gros, si l’offre commence à être 2 à 3 fois inférieure à ce qu’a obtenu la victime, la sanction du doublement s’appliquera jusqu’à l'offre raisonnable ou la décision.

L’avocat doit donc garder à l’esprit cette sanction de nature à majorer considérablement le montant des dommages et intérêts.

Tout ceci pourrait donc paraître idyllique mais il convient pour terminer d’apporter deux nuances.

Tout d’abord, j’ai pu constater par expérience que les magistrats étaient un peu « frileux » à appliquer cette sanction. J’ai encore le souvenir d’une décision qui avait alloué 1.600.000 € à la victime alors que l’assureur avait proposé initialement 34.000 €. L’indemnisation avait beau être 47 fois supérieure à la proposition, le Tribunal avait décidé que selon lui, l’offre ne lui paraissait manifestement pas dérisoire…(l’assureur a finalement lui-même accepter de transiger sur ce point pour en terminer).

La dernière nuance est de taille et fait suite à un arrêt assez récent de la cour de cassation. Cet arrêt constate que l'offre initiale était bien inférieure à ce qu'a obtenu la victime. Mais la Cour exonère l'assureur en constatant qu'il s'était en fait initialement fondé sur le rapport de son expert, rapport qui avait été contesté par la victime par la suite avec succès (le premier rapport ne comportait pas de tierce personne).

Or, ceci me semble critiquable.

En effet, l’assureur se fonde toujours initialement sur le rapport de ses propres experts qui bien souvent ne sont pas les plus généreux et qui oublient « malencontreusement » certains postes de préjudices.

Dans un jugement très récent, un expert avait juste relevé des souffrances endurées de sorte que l’assureur avait proposé 1.600 €. Après expertises judiciaires, les conclusions sont devenues bien différentes car un taux de DFP a été retenu et même une tierce personne.

Le Tribunal a ainsi alloué plus de 160.000 € sans ordonner le doublement des intérêts en jugeant que l’offre initiale n’était pas dérisoire au regard du premier rapport.

Mais finalement, l’effet de cette décision est tout à fait pervers.

En effet, cela revient à exonérer l’assureur de ses propres carences. En se fondant sur un rapport de son propre expert, qu’il sait (ou qu’il doit savoir) erroné, l’assureur échappe à toute sanction…

L’esprit de la loi Badinter est bien loin…

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