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Blog de Maître François GABORIT, Avocat spécialiste en réparation du dommage corporel (accidents de la circulation, accidents du travail, accidents de la vie privée, erreurs médicales, infections nosocomiales, aléas thérapeutiques, etc.) et droit des victimes (POITIERS, PARIS, NIORT, www.dgt-avocats.fr).


Le préjudice sexuel

Publié par François GABORIT sur 16 Novembre 2017, 12:30pm

Catégories : #accident, #barème, #expertise, #poste de préjudice, #victime

Le préjudice sexuel

Le droit pose comme principe d’indemniser l’ensemble des préjudices. Or, il est bien évident qu’un accident peut entraîner temporairement voire définitivement des troubles de nature sexuels.

Or, si le sexe fait partie de la vie, il semble curieusement absent lors des expertises. Par pudeur ou ignorance, les experts passent souvent sous silence ce préjudice.

Petit rappel donc de ce qu’est le préjudice sexuel et la façon (parfois curieuse) dont il est indemnisé.

 

1. Définition du préjudice sexuel :

 

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le préjudice sexuel n’est pas défini par la seule impossibilité d’avoir des relations sexuelles.

En effet, ce préjudice peut selon la jurisprudence comporter trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement.

Il y a tout d’abord l’aspect morphologique lié à l’atteinte aux organes sexuels, puis le préjudice lié à l’acte sexuel (diminution de la libido, perte de capacité physique, frigidité), et enfin la fertilité (fonction de reproduction).

Finalement, c’est l’aspect lié à l’acte sexuel qui est le plus souvent oublié, les deux autres aspects étant assez simples et relevant souvent de l’évidence.

En effet, beaucoup de victimes qui n’ont pas d’atteinte à leurs organes sexuels font état d’un retentissement sexuel.

Par exemple, certaines victime peuvent ressentir des douleurs lors de la réalisation de l’acte, d’autres ont une diminution importante de la libido en raison d’un état dépressif causé par l’accident, d’autres victimes ont honte de leur corps traumatisé, etc.

Le rôle de l’avocat est ici essentiel car ces questions doivent être envisagées avant l’expertise car l’on sait que ces choses, pour les victimes, sont souvent difficiles à verbaliser devant l’expert.

D’ailleurs, le plus souvent, les victimes n’osent rien dire et c’est à lors à nous avocats de faire état de ce préjudice.

En règle générale, les experts se montrent assez compréhensifs et se bornent à retranscrire les doléances des victimes.

Il arrive parfois que l’expert ou l’avocat adverse se montre plus curieux voire presque inconvenant (description des rapports, des positions, fréquence, etc.). Il nous faut alors intervenir car si tout doit être dit lors d’une expertise, il n’est pas question d’exiger de la victime qu’elle « déballe » sa vie intime avec force détails.

Une fois le préjudice reconnu, reste alors à l’évaluer.

 

2. Evaluation du préjudice sexuel :

 

Force est de constater que cette évaluation obéit souvent à la très rigoureuse règle de « l’évaluation à la louche… ».

Il est ainsi très difficile de trouver une certaine cohérence dans les décisions et je dispose pour ma part de décisions allant de 1.000 € à 30.000 € pour une jeune femme de 40 ans qui avait une perte complète de libido en raison d’un syndrome dépressif.

Afin d’obtenir une juste et équitable indemnisation, il convient donc d’expliquer au magistrat les troubles ressentis par la victime.

Bien évidemment, le juge pour fixer le préjudice prendra en compte l’importance des troubles, les doléances de la victime, son âge, etc.

Cependant, il faut également avoir conscience qu’en la matière, il n’y a pas de règles préétablies.

Des personnes âgées peuvent ainsi avoir une libido encore très importantes.

De même, et pour l’anecdote, j’ai souvenir quand j’étais étudiant, d’un assureur qui s’était posé la question d’indemniser le préjudice sexuel d’un prêtre catholique…Ce dernier avait en effet indiqué à l’expert avoir pris quelques libertés avec le vœu de chasteté ! L’assureur l’a indemnisé, ce qui est conforme au droit (peut-être pas au droit canonique cependant…).

Enfin, il n’est pas question de faire une distinction entre homme et femme.

Je ne résiste donc pas à faire état d’un arrêt récent de la CEDH qui a censuré une décision de la Cour suprême portugaise (CEDH, 25 juillet 2017, n°17484/15).

La juridiction portugaise avait ainsi réduit le préjudice sexuel d’une femme au motif que la victime avait « déjà » 50 ans, qu’elle avait eu 2 enfants et qu’à 50 ans, sa sexualité ne devait pas être aussi importante.

La décision était d’autant plus choquante que cette femme avait obtenu une indemnisation 5 fois moins importante que celles allouées dans le même temps à deux hommes de 55 et 59 ans.

En effet, pour ces hommes, la juridiction portugaise a jugé, pour majorer leur l’indemnisation, que l’impossibilité d’avoir des relations sexuelles normales atteignait l’estime qu’ils pouvaient avoir d’eux-mêmes. Pauvres hommes ; l’image du MÂLE était donc atteinte et demandait une réparation exemplaire !

Inutile de vous dire que la CEDH n’a pas trop apprécié la distinction.

Comble du machisme, cette pauvre femme avait également vu son indemnisation au titre de la tierce personne réduite car, disaient alors les juges portugais, il ne lui appartenait plus à 50 ans « que » de s’occuper de son mari !

Comme le relève un auteur, pour le Portugal, la femme, « une fois qu’elle a eu des enfants, il lui incombe de s’occuper de son mari, point ».

Les conceptions machistes (parfois entendues lors d’expertises bien françaises cette fois-ci) ne sauraient prospérer ; à nous d’y veiller.

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